Mon petit frère avait été vaillant au cours de cette première demi-journée de classe : songez que c’était la première fois que ce nourrisson de grand air restait aussi longtemps entre quatre murs clos. Mais, l’après-midi, je vis bien quel sourd regret de sa liberté le travaillait secrètement. Mlle Mirande, croyant l’amuser, eut la mauvaise inspiration de le mettre dans la cage de fer où, disait-elle, Louis XI enfermait ses prisonniers. Cette cage était à vrai dire, la grille circulaire qui entourait le poêle, et qu’on avait tirée devant le bureau pour les besoins de la leçon. Mon petit frère joua docilement le rôle du cardinal de La Balue tant qu’il ne s’agit que de rester assis sur le plancher dans cette enceinte de barreaux et d’ouvrir les grands yeux incompréhensifs de l’innocence persécutée. Mais, quand il vit sortir de derrière le tableau le grand Quoineau, déguisé en Louis XI par le moyen de cinq ou six épingles de nourrice attachées à sa casquette, en guise de pieuses médailles ; le grand Quoineau, dis-je, plus noir et plus sinistre que jamais à force de majesté royale, surgissant de sa cachette avec un air de sanglier furieux ; alors, tout le chagrin de mon petit frère, toute l’impatience de la journée lui remontèrent à la gorge avec la peur ; et il éclata en un charivari tel, cris, larmes, grelottements, chandelles de salive, bonds d’agneau enragé, qu’il fallut le tirer bien vite de prison et lui trouver un remplaçant doué d’un talent plus sûr.
Mlle Mirande se dépêcha de dire, pour enchaîner :
— Vous voyez, mes enfants, qu’ils s’ennuyaient bien dans leurs cages, les pauvres prisonniers du méchant roi !
Et c’était, au fond, tout ce qu’elle voulait apprendre à cette troupe de marmots.
La Villa des Grillons