Site de Léonce BOURLIAGUET

 

Thiviers

 

« C’est ainsi que par les yeux du fils du cordonnier de Thiviers nous découvrons sa ville… »

André Maurois

 

« Je me suis élevé dans une petite ville aux ruelles étroites… La cité sans ciel… »

 

« Thiviers étant posé exactement comme une borne entre les deux provinces, on ne sait jamais au juste si l’on y naît (trivialement) « Périgord, tête de porc » ou « Limousin, tête de coquin »

 

 

« Ma ville natale est exactement posée entre le Périgord et le Limousin. Fouettait-on Cocotte au nord. C’étaient des châtaigniers, opulents et pressés à cette époque, une odeur de bruyère et de champignons, de profonds bois de chênes, des prés éblouissants, des granits, des sables rouges, des eaux ruisselantes ou endormies en étang, des villages chauds de la grasse odeur du bétail. Au sud apparaissait la sèche, grise et noire nature périgourdine, les murs de cailloux la pâleur des truffières, le crissement des cigales, les villages serrés et clos comme des bastides, pleins du parfum aigre des celliers. Variété qui est la vraie saveur de cette région de couture géologique. Le paysan de ces deux provinces que n’avait pas encore gâté le vent de feu du siècle, était alors extrêmement accueillant : il fallait s’asseoir, manger, boire, et j’ai encore sur la langue le goût de ces fromages frais et parfumés, comme si les vaches et les chèvres s’étaient nourries des pétales qui neigent dans les vergers au printemps. »

(Grégoire de Tours)

 

« Un homme très riche laissa à la ville de Thiviers son château et son parc immense. Voilà cette petite cité en possession d’une merveille : beaux et profonds bosquets, fraîches pièces d’eau miroitante, orangerie, serres pleines de plantes exotiques, essences sylvestres rares partout, larges et longues allées noblement tracées, ici Versailles bien peigné, là un coin du Paradou, la possibilité d’errer tout un jour sans repasser au même endroit, de lire sur du gravier fin, de somnoler sur un banc, de conter fleurette sous la tonnelle d’un saule ou le labyrinthe ténébreux des buis, en un mot un luogo d’incanto(1) .

Don qui prendra toute sa signification quand on saura que Thiviers est une ancienne termitière féodale bâtie en pain de sucre, un magma de maisons serrées comme des alvéoles, des ruelles et des venelles hautes en fumets divers, de la laideur, de l’incommodité, de l’étouffement, une ville où l’on risque de contracter une âme de taupe. »

(Parabole de la porcherie, « Les Évangiles gaillards »)

 

« C’était la voie la plus étroite et la plus pittoresque de cette termitière féodale : une venelle plutôt qu’une rue, l’intestin grêle de St Valer, avec une forte inclinaison qui lui donnait l’aspect de ces anfractuosités profondes et verticales qu’on appelle en montagne des « cheminées ». Au moindre orage, cela devenait un gave si gras et si chargé de débris ménagers qu’on eût cru voir passer la soupe d’un régiment (…)

… Y chantaient tant de poêles au fond des cuisines que le plus prosaïque et le plus nordique des hommes était contraint de penser à un bois d’olivier plein de cigales ; l’air s’y chargeait comme d’un invisible spectre culinaire, trahisons odorantes qu’on est surpris que le fisc n’ait jamais songé à prendre pour graduel de l’impôt. Le lecteur qui voit déjà cette petite rue toute sombre, sera bien attrapé d’apprendre qu’elle était la plus lumineuse de St Valer ; cela venait de ce qu’elle était bordée d’un côté par le haut mur d’un jardin, de sorte que les vieilles maisons ventrues, gondolées, délabrées, lézardées, riaient de leurs cent fenêtres et fenestrons au soleil en lui tirant le matin les langues blanches de leurs draps mis à l’air. Ce détail laisse reconnaître une ville déjà méridionale, sise exactement entre le Périgord et le Limousin.

Fouquet, de la rue des Anges

 

Une rue de Thiviers, de nos jours.

 

(1) Lieu d’enchantement